L' archaeome
les Méthanogenes intestinaux

Des archées chez l'Homme 

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Les archées sont des éléments réguliers des microbiotes humains, et cela est en particulier vrai pour le microbiote intestinal. Dans ce microbiome, ce sont surtout les archées méthanogènes, du moins pour ce que l'on en connait actuellement, qui sont retrouvées chez une grande majorité des personnes.

Cette présence est connue depuis très longtemps par le fait que le méthane produit dans l'intestin est notamment exhalé : ainsi, retrouver du méthane dans l'air expiré d'une personne indique la présence d'archées méthanogènes à des valeurs supérieures à 107 microorganismes méthanogènes (10.000.000) par gramme de résidu intestinal.



En grand nombre chez certains individus.... 
mais plutôt d'une faible diversité...

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Les archées méthanogènes sont réparties en 7 ordres taxinomiques (il y en avait 5 dans les années 2000, et il est probable que de nouveaux ordres taxinomiques soient décrits prochainement, à la vue de nouveaux résultats obtenus en 2016 et 2017). On sait depuis les années 80 que deux membres de l'ordre des Methanobacteriales en sont des résidents communs des microbiotes gastro-intestinaux. Elles sont décrites plus en détail ci-dessous. Il s'agit de :

  • Methanobrevibacter smithii ,  présent chez au moins 4 personnes sur 5 : cependant, sa prévalence dépend apparemment de la population, de l'âge des personnes, du mode de vie / de l'alimentation : elles seraient par exemple moins présentes chez les citadins par rapport aux ruraux, comme l'a récemment montré une étude sur des populations chinoises.
  • Methanosphaera stadtmanae dont la prévalence semble moins importante que longtemps supposée, probablement de l'ordre d'une personne sur 3 à 5. 
Notons également la présence de Methanobrevibacter oralis, qui comme son nom l'indique, est un membre du microbiote buccal.

Enfin, depuis nos travaux de 2008, on sait qu'un autre ordre méthanogène (alors inconnu)  est également présent, les Methanomassiliicoccales. Vous trouvez le nom imprononçable ? Nous aussi... alors, nous ferons fréquemmment références à elles en parlant des "Mx", le nom qu'on leur avait donné tout au début pour M-méthanogènes x-inconnus. De découverte récente, les données générales de leur prévalence manquent, mais on pense qu'elles restent peu fréquentes chez les occidentaux jeunes et adultes, mais par contre sont retrouvées chez 1 personne âgée sur 4, voir même sur 2 dans certaines conditions, au niveau du microbiote fécal. Elles sont également extrèmement présentes dans une tribu amazonienne du Venezuela, les Yanomami (en savoir plus sur ce peuple ici), quelque soit l'âge des personnes considérées. Elles possèdent des caractéristiques surprenantes à retrouver ici.



Methanobrevibacter smithii

https://fr.wikipedia.org/wiki/Methanobrevibacter_smithii

Methanobrevibacter smithii est illustrée ci-contre à partir d'une photo obtenue de wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Methanobrevibacter_smithii). Il s'agit d'une Methanobacteriale extrèmement prévalente dans les microbiomes intestinaux humains, formant un bacille souvent en chaine / paire. Elle est également parfois retrouvée dans les microbiomes vaginaux. C'est l'archée type retrouvée chez l'Homme, et le plus souvent, lorsqu'on parle d'archées méthanogènes chez l'Homme, c'est à elle qu'on fait référence. Elle est connue depuis le début des années 80, quand elle fut isolée par Wolin et Miller. 

Ces caractéristiques métaboliques en font une archée méthanogène classique :
  • elle est très sensible à l'oxygène.
  • elle est hydrogénotrophe et réalise une méthanogenèse "classique" à partir de CO2 et d'H2. Cependant, elle peut également utilisée le formate seul, sans besoin d'H2.
  • Nos travaux ont montré, en tout cas pour des souches intestinales humaines, la présence des gènes pour réaliser une méthanogenèse à partir de méthanol. Nous ne pouvons pas affirmer pour autant qu'elle est capable de réaliser une méthanogenèse (et en vivre) à partir de ce seul substrat + H2.
  • Cette hydrogénotrophie permet de "pomper" l'H2 généré par les fermentations (des fibres principalement) dans le colon, et donc favorise ces processus / la génération d'acides gras à chaine courte (5 à 10% des apports énergétiques issus de l'alimentation). Elle n'est pas la seule, d'autres espèces archéennes peuvent également le réaliser (voir ci-dessous), ainsi que des espèces bactériennes (en réalisant soit une sulfato-réduction, soit une acétogenèse réductrice)
  • Cet abaissement de la pression partielle en hydrogène est donc importante pour le bon déroulement des fermentations, mais aussi pour notre confort intestinal: en effet, la réaction de méthanogenèse permet de diminuer au final la quantité / les volumes de gaz produits par les fermentations :
CO2 + 4H2     CH4  +  2H2O

Ainsi, 5 volumes de gaz sont convertis en 1 volume de gaz (1 molzcule de méthane) et 2 molécules d'eau.

  • le méthane généré est à la fois expulsé par les flatulences, mais aussi par l'air expiré. Ainsi, on peut mettre en évidence des archées méthanogènes (et donc le plus souvent Methanobrevibacter smithii) en détectant le méthane dans l'air expiré d'un sujet. On estime que la détection de ce méthane correspond à la présence d'au moins 10+7 archées par gramme de contenu fécal. Cependant, des travaux récents estiment qu'il pourrait y a voir d'autres sources au méthane retrouvé dans l'air expiré, des productions de notre propre métabolisme endogène, et non d'origine microbioenne (cf les travaux de Polag et al, 2017).
  • Les quantités de M. smithii peuvent être énormes ! sans qu'apparemment il y ait le moindre problème pour l'Homme. Ainsi, des travaux ont montré des proportions de l'ordre de 1 M. smithii sur 8 à 15, chez quelques individus (russes vivant en zone rurale).
  • Cependant, il se pourrait que le méthane soit un gaz qui est un effet sur le temps de transit intestinal / sur la motilité intestinale. Le fait est que cette archée est plus prévalente chez les gens atteints de constipation, mais est-ce une cause ou une conséquence? Il existe en effet des arguments pour ces 2 cas de figure (Travaux de Pimentel, USA pour une cause ; nos travaux pour une conséquence). Ces 2 thèses ne s'opposent pas, et il est possible qu'il y ait un effet d'entrainement : un temps de transit lent favoriserait la présence de M. smithii qui en retour, par le méthane généré, favoriserait un ralentissement du temps de transit.
  • Cette archée semble très bien tolérée par le tube digestif, et n'entraine pas d'activations des cellules dendritiques / une réponse inflammatoire (en tout cas, de faible ampleur), selon les travaux de Corinna Bang et Ruth Schmitz (Kiel University, Allemagne), au contraire de Methanosphaera stadtmanae.

Methanosphaera stadtmanae

Methanosphaera stadtmanae a également été isolée peu après Methanobrevibacter smithii, par la même équipe scientifique américaine (Miller et Wolin). Pendant près de 30 ans, ce seront les 2 seules archées du microbiote intestinal humain. Methanosphaera stadtmanae reste cependant beaucoup moins prévalente que M. smithii, mais bien qu'étant également une Methanobacteriale, elle n'en est pas moins très différente :
  • sa forme est très différente
  • sa méthanogenèse également : elle a fait figure d'exception pendant très longtemps car elle utilise le méthanol CH3OH comme accepteur d'électrons de la méthanogenèse avec l'H2 comme donneur. Elle est par ailleurs incapable d'utiliser le CO2 et  l'H2, ce qui ne l'empèche pas d'être hydrogénotrophe. 
  • elle pourrait être (conditionnel de rigueur) plutôt délétère pour l'organisme humain, comme tendent à le montrer différentes études récentes. En effet, M. stadtmanae semble plutôt pro-inflammatoire, tant au niveau du tube digestif humain (Travaux de Corinna Bang et Ruth Schmitz, Kiel University, Allemagne) qu'ailleurs (en particulier au niveau des poumons, travaux initiaux de Blais Lecours, Montréal). Des anticorps circulants dirigés contre M. stadtmanae sont par ailleurs retrouvés fréquemment chez les patients atteints de Maladies Inflammatoires Chroniques de l'Intestin (MICI). Les ARN de M. stadtmanae semblent être impliqués dans cette réponse pro-inflammatoire (Travaux de Ruth Schmitz, 2017-2018, Kiel, Allemagne).